La nourriture est bien plus que le carburant dont le corps a besoin : c’est la cuisine qui fait l’homme, en révélant son rapport avec la création. La domine-t-il au point d’être en droit de tuer des animaux pour les manger ? Le christianisme n’a pas attendu le végétarisme actuel pour se poser la question.
Sur le même sujet, vous trouverez aussi, entre autres : Notre Père III : notre Pain (2017/2); Jeûne et eucharistie (2014/3).
Éditorial Jean Duchesne : Une nécessité bien plus que biologique
Thème : Manger
Jacques Servais : Bien assez à manger pour tout le monde
Dans Le Festin de Babette, nouvelle de Karen Blixen adaptée au cinéma par Gabriel Axel, une servante française exilée ranime la charité et l’espérance dans une petite communauté protestante du Danemark en offrant un somptueux repas. Chacun fait l’expérience que le partage de la nourriture n’est pas utile qu’au corps et peut être un art qui ouvre et élève l’âme. La théologie de Hans Urs von Balthasar permet de mieux apprécier le miracle, analogue à celui de Cana, qui s’accomplit à travers ce festin.
Hanna-Barbara Gerl-Falkovitz : La nourriture sacrée – manger le Saint ?
L’analyse des mythes concernant l’alimentation — sa valeur symbolique et le rapport qu'elle entretient avec le sacré et la sagesse — mène à percevoir d’abord la nourriture comme don, puis ce qui fait la spécificité du repas chrétien par excellence: l'Eucharistie, où Dieu lui-même se donne en nourriture, prémice du banquet éternel.
Anthony Pagliarini : Tout gouverner avec bonté
L’homme créé « à l’image de Dieu » exerce sa domination sur la terre grâce à la nourriture qu’il reçoit. La Chute et le Déluge altèrent ce régime alimentaire. La consommation de viande en porte la marque, mais permet d’être associé à l’œuvre de séparation et d’ordonnancement du Créateur, en observant ses lois et en s’abstenant de ce qui est impur afin d’être saint comme lui. Les sacrifices d’animaux du culte de l’Alliance sont une anticipation de la convivialité avec Dieu promise à la fin des temps.
André Wénin : La nourriture carnée – réflexions à partir de la Torah
Dans la Genèse, afin que l’homme maîtrise le monde sans violence de même que le Créateur maîtrise le chaos initial, la nourriture végétale lui est donnée comme aux animaux. Mais l’homme réintroduit du chaos par sa violence et, après le Déluge, il se voit autorisé à tuer des animaux pour en manger la viande, cependant avec des limites – d’où les lois alimentaires du Lévitique et du Deutéronome.
Jean-Pierre Lémonon : Saint Paul aux prises avec les idolothytes
Dans la Première Lettre aux Corinthiens, Paul répond à une question pratique: est-il permis de manger de la viande des victimes sacrifiées aux idoles? Les idoles ne sont rien et les fidèles du Christ sont donc libres. Il convient cependant de s’abstenir afin de ne pas risquer de scandaliser les frères qui s’inquiètent, parce que c’est ultimement la charité qui doit gouverner le comportement du chrétien.
Alban Massie : Augustin, les manichéens et la manducation de la chair
Saint Augustin s’est opposé aux manichéens pour qui « toute chair est impure » et manger de la viande fait obstacle à la libération de l’esprit. L’évêque d’Hippone a fait valoir en réponse que la chair est bonne, bien que corruptible, et que le corps et l’âme sont inséparables. Il souligne surtout que l’ascèse ne suffit pas et que c’est l’ouverture du cœur dans l’accueil de la grâce qui nourrit la charité.
Dominique-Marie Dauzet : L’abstinence de viande dans la tradition monastique occidentale
L’abstinence entre autres de nourritures carnées est un aspect de la pureté et de la perfection recherchées par les premiers moines. Mais cette ascèse risque d’entraîner vers le gnosticisme manichéen et s’avère un «marqueur » plus formel et social que spirituel. La tradition monastique en vient donc à proscrire ou limiter la consommation de viandes comme renoncement à quelque chose non pas de mauvais en soi mais de naturellement bon.
Vincent Carraud : Manger de la viande
On s’émeut aujourd’hui de la souffrance des bêtes destinées à la boucherie. Le problème, cependant, est philosophique: quelle différence légitime le droit de l’homme à disposer de l’animal? Pour le chrétien, la question est aussi théologique: comment l’Eucharistie, sacrifice non sanglant mais manducation du corps du Christ, transforme-t-elle le rapport à la nourriture, dont la viande?
Signets
Jacques Julliard et Marie-Ève Benoteau-Alexandre: « Je ferai de toi une étoile », Entretien sur les Lettres à Ysé de Paul Claudel
En 2017, comme pour introduire à la célébration du cent-cinquantenaire de la naissance de Paul Claudel, les éditions Gallimard ont publié les lettres de Claudel à Rosalie Vetch, qui fut le modèle de l’Ysé de Partage de Midi, puis de la Prouhèze du Soulier de satin. Cette romanesque histoire d’amour, qui a fait naître deux des plus grands chefs-d’oeuvre de notre théâtre, est enfin dévoilée. Jacques Julliard, qui préface le volume, souligne son importance et sa beauté.
Joseph Ratzinger – Benoît XVI: Les dons et l’appel sans repentir, à propos de l’article 4 de la déclaration Nostra Aetate
Présentation du cardinal Koch et introduction d’Olivier Artus.
Le pape émérite a accepté que soient publiées dans Communio des remarques sur l’article 4 (De Judaeis) de la déclaration conciliaire Nostra Aetate (1965). Relisant deux thèses issues du Concile: l’Église ne s’est pas « substituée » à Israël et l’Alliance n’a jamais été révoquée, Joseph Ratzinger en précise les contours: la convergence entre judaïsme et christianisme n’efface pas les différences.
Une nécessité bien plus que biologique
Jean Duchesne
« Ne manquez pas au croisement
L'auberge avec Sa table basse ;
Car le Seigneur vous y attend.
[...]
Il est le vivre et le couvert.
Mangez ici à votre faim ».
Patrice de la Tour du Pin, « Hymne pour le Saint Sacrement ».
Prière du temps présent, Paris, Éditions du Cerf/DDB/Mame, 1980, p. 531.
Nous nourrir nous occupe sans doute davantage que nous n’en avons conscience. C’est aussi bien plus révélateur que nous ne l’imaginons de ce que nous sommes et de notre vocation.
Sous nos climats, de nos jours, seuls quelques mendiants nous disent avoir faim. Les générations nées après la Seconde Guerre mondiale n’ont pas souffert de sous-alimentation. C’est au point que le problème, pour certains des moins favorisés, n’est pas le manque de calories, mais l’obésité. Au niveau planétaire, la malnutrition (au sens d’insuffisance quantitative de nourriture, et non de «mal-bouffe») toucherait encore les 30% plus pauvres. La cause en est des faillites d’États et des conflits armés qui paralysent la production et la distribution de nourriture. En cas de crise aiguë ou de catastrophes dites naturelles, les ONG humanitaires montent au créneau.
Reste préoccupant à l’arrière-plan le réchauffement climatique qui suggère un dérèglement du rapport entre l’humanité et le cadre dont elle tire les moyens de son existence.
Entre le quotidien et la fête
Nous avons donc bien dépassé la préhistoire où les tribus erraient en quête de territoires où la nourriture était abondante, en chassaient si besoin les occupants1 puis s’efforçaient de repousser de nouveaux arrivants affamés. La richesse a changé de nature, de même que la motivation des migrations. Ce sont les savoir-faire technologiques qui priment: ils assurent une prospérité dans la paix qui attire ceux qui fuient des zones dysfonctionnelles de la planète. La croissance démographique a beau se poursuivre, il y a en théorie, au moins à moyen terme, assez à manger pour tout le monde 2.
De sorte que se nourrir est devenu chez nous comme une formalité : à la fois une obligation qui peut être expédiée, voire devenir fastidieuse, tant nous sommes sollicités par ailleurs et, à l’instar de l’eau disponible à volonté au robinet, un dû procuré par toute une industrie dont le poids économique n’est plus décisif et qui ne laisse faire à chacun qu’un minimum pouvant se réduire à choisir selon ses caprices parmi ce qu’il trouve dans son assiette. [...]
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1 Voir Les Héritiers de William Golding (1955).
2 La population mondiale a doublé (de 3 à 6 milliards d’individus)entre 1960 et 2000, et devrait atteindre les 8 milliards vers 2025.
Jacques Julliard et Marie-Ève Benoteau-Alexandre: « Je ferai de toi une étoile », Entretien sur les Lettres à Ysé de Paul Claudel
En 2017, comme pour introduire à la célébration du cent-cinquantenaire de la naissance de Paul Claudel, les éditions Gallimard ont publié les lettres de Claudel à Rosalie Vetch, qui fut le modèle de l’Ysé de Partage de Midi, puis de la Prouhèze du Soulier de satin. Cette romanesque histoire d’amour, qui a fait naître deux des plus grands chefs-d’oeuvre de notre théâtre, est enfin dévoilée. Jacques Julliard, qui préface le volume, souligne son importance et sa beauté.
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Présentation du cardinal Koch et introduction d’Olivier Artus.
Le pape émérite a accepté que soient publiées dans Communio des remarques sur l’article 4 (De Judaeis) de la déclaration conciliaire Nostra Aetate (1965). Relisant deux thèses issues du Concile: l’Église ne s’est pas « substituée » à Israël et l’Alliance n’a jamais été révoquée, Joseph Ratzinger en précise les contours: la convergence entre judaïsme et christianisme n’efface pas les différences.
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