n°289 La peur Septembre - Octobre 2023*


Si elle suscite parfois le repli sur soi ou le défaitisme, la peur établit aussi une relation avec un événement qui vient nous transformer, positivement ou négativement. Elle nous éveille à ce qui nous vient, dès le murmure du vent entendu la nuit. Tel nous semble être le sens chrétien de la peur, présent dès la peur la plus banale, la peur simple, réduite à elle-même, sans la peur de la peur, qui pousse au repli. La simple peur, qui ne tombe pas dans les extrêmes de la terreur ou de l’horreur, ouvre l’esprit à autre chose que lui-même, c'est pourquoi – loin d’un apocalyptisme mal compris − le chrétien peut en faire un usage salutaire en partant d'elle pour s'ouvrir à Dieu.

Page Titre Auteur(s)
9 Editorial: Partir de nos peurs Paul COLRAT
13 Une peur salutaire Paul COLRAT
27 Un chrétien peut-il vivre sans angoisse les temps que nous traversons? L'éclairage des Ecritures et de Balthasar Jérôme MOREAU
45 Renoncer à l’apocalypse ? Catastrophisme, collapsologie et eschatologie Foucauld GIULIANI
61 La peur est aussi au début du monde Marie THOMAS
73 En mémoire de Peter Henrici (31 mars 1928 – 6 juin 2023) Jan-Heiner TÜCK
76 Hommage à Monseigneur Peter Henrici Marie-Jeanne COUTAGNE
80 Adieu à Jean Congourdeau ( 1948-2023) Jean DUCHESNE
83 « Ne parlez pas à tort et à travers » − Le Notre Père, purification de la prière (Matthieu 6,7-8) Bruno GAUTIER
96 Verbe de lumière et Verbe de vie− De Dei Verbum à Aperuit illis Jean-Xavier LALO
108 Au nom de Dieu : comment représenter le Christ ? Jean-philippe GOUDOT

                                                   

                                              Editorial  Paul Colrat  Partir de nos peurs

 

Paul Colrat : Une peur salutaire

À quelles conditions peut-on reconnaître la peur comme salutaire ? Comment comprendre la peur inhérente à la foi, qui implique, comme dit Hans Urs von Balthasar « une tension surhumaine – car il faut à la fois, et simultanément, craindre et espérer, être certain et tout laisser en suspens » ? La peur est l’affect qui nous ouvre à ce qui vient sans que nous puissions le maîtriser, c’est à dire à l’événement en général et en particulier à la venue de Dieu dans nos vies.

Jérôme Moreau : Un chrétien peut-il vivre sans angoisse les temps que nous traversons ? - L'éclairage des Ecritures et de Balthasar

L’article s’appuie sur une étude scripturaire et sur le travail de Hans Urs von Balthasar pour mettre en évidence ce qu’est l’angoisse chrétienne. Il est ainsi possible de caractériser l’attitude chrétienne face à la crise écologique

Foucauld Giuliani : Renoncer à l'apocalypse ? Catastrophisme , collapsologie et eschatologie

L’article compare le statut de la peur dans le catastrophisme de Günther Anders, la collapsologie contemporaine et l’eschatologie chrétienne. Face à la catastrophe écolo- gique, l’enjeu est moins de délégitimer la peur apocalyptique que d’en redécouvrir le sens et de la relier à l’espérance messianique.

Marie Thomas : La peur est aussi au début du monde

La peur panique, ou angoisse, est au commencement de la pensée plus qu’elle n’en marque l’interruption ; c’est ce que se propose de montrer cet article, à l’aide des réflexions teintées d’anthropogenèse sur lesquelles s’ouvre Arbeit am Mythos, œuvre du philosophe allemand Hans Blumenberg.

 

                                                     Dossier   In memoriam

Jan-Heiner Tück : En mémoire de Peter Henrici ( 31 mars 1928 - 6 juin 2023)

Le rédacteur en chef de l’édition germanophone de Communio évoque ici ce que fut le parcours et l’œuvre de Peter Henrici, au service de l’Église et de l’intelligence de la foi.

Marie-Jeanne Coutagne : Hommage à Monseigneur Peter Henrici

Dans cet hommage, c’est le versant philosophique de l’œuvre de Peter Henrici, particulièrement son intérêt pour Blondel que l’auteur s’attache ici à souligner.

Jean Duchesne : Adieu à Jean Congourdeau ( 1948-2023)

 

                                             Signets 

Bruno Gautier : " Ne parlez pas à tord et à travers" - Le Notre Père , purification de la prière ( Matthieu 6,7-8)

Jésus nous enjoint de conformer l’objet de notre prière aux demandes du Notre Père. Cet enseignement apparaît particulièrement actuel à une époque où, soucieux de notre manière de prier, nous ne le sommes pas assez du contenu de notre prière.

Jean-Xavier Lalo: Verbe de lumière et Verbe de vie- De Dei Verum à Aperuit illis

L’auteur revisite la doctrine proposée par Dei Verbum et approfondie par le magistère récent concernant la sacramentalité de la Parole, l’incarnation des paroles de Dieu, ainsi que l’étude, l’utilisation et la pratique de l’Écriture sainte dans la vie de l’Église. Il montre que la croissance de l’Église par la sainteté de ses membres n’est possible que dans l’écoute de la Parole de Dieu dans l’action liturgique, la prière et la réflexion personnelle

Jean-Philippe Goudot : Au nom de Dieu : comment représenter le Christ?

Comment représenter, c’est-à-dire rendre présent le Christ ici-bas ? La représentation doit montrer ce qui ne se voit pas, sans faire écran. Il ressort de cette étude que nous ne représenterons bien le Christ qu’à condition de savoir que nous ne Le représentons jamais seuls : la représentation est ecclésiale, en ce double sens qu’elle jaillit d’une vie communautaire et qu’elle y renvoie toujours. Nous ne Le représentons jamais tout entier : il y a une part de manque dans ce que je donne à voir du Christ. La représentation ecclésiale appelle donc ses porteurs privilégiés à l’humilité, à une chasteté authentique dans leur vie relationnelle et à une conversion personnelle permanente.

 

 

Editorial Partir de nos peurs

Partir de nos peurs Paul Colrat Parmi toutes les peurs qui nous viennent, nous voyons bien que nous ne pouvons ni totalement refuser ce sentiment ni totalement l’accepter. Il est des peurs salutaires, comme la peur de la bombe nucléaire, attisée par Hoppenheimer lui-même comme l’a montré le récent film de Christopher Nolan, qui permettrait de tendre au moins à la non-prolifération des armes de destruction massives prônée sans relâche par le Saint Siège 1. Mais il est aussi des peurs néfastes, comme la peur de l’étranger, qui confine à une suspicion toujours plus névrotique à l’égard de ce qui questionne nos identités. Il est des usages de la peur nécessaires, pour éveiller à la justice, et des usages douteux, qui servent un pouvoir. Le pouvoir en effet, comme l’a montré Hobbes, fait usage de la peur et rassure, tirant profit pour son maintien de la peur de la mort violente qui pousse les citoyens non seulement à s’assembler mais aussi à se soumettre 2. L’usage de la peur enveloppe ainsi une soumission, raison pour laquelle on commence par menacer pour effrayer celui que l’on veut soumettre. Reste à savoir à quoi nous acceptons d’être soumis, si c’est au Léviathan et à ses avatars ou à Dieu.

On se tient avec la peur sur une ligne de crête entre deux périls qu’illustrent d’une part celui qui se replie dans la crainte du dehors mais aussi celui qui s’y expose sans précaution, le timoré versus le téméraire. Le timoré a accepté la peur jusqu’à la laisser guider sa vie, avec son lot de représentations imaginaires. À vrai dire le timoré a une peur au carré, il a peur de sa propre peur, dans le sens où il la fuit et la fuyant se replie sur lui-même. Le timoré dit quelque chose de ce qui semble être un empire indépassable de la peur, car qui voudrait la refuser totalement la redoublerait en fait, ayant peur d’avoir peur. Au contraire, le téméraire a refusé toute emprise de la peur sur lui mais se soumet aussi à un autre imaginaire, selon lequel le monde serait sans danger. La peur n’évite pas le danger dit le dicton, mais négliger la peur attise la menace, qui guette par exemple le naïf, qui remet son sort, confiant, entre les mains du malfaiteur, comme la brebis qui se rassure auprès du berger alors qu’il la mène à l’abattoir.

Le « n’ayez pas peur » semble ainsi à la fois nécessaire et impossible. Nécessaire car il est comme le commandement qui précède tous les commandements divins, l’archi-commandement, puisque pour les suivre il faut déjà avoir confiance en Dieu. N’avoir pas peur est d’abord synonyme d’avoir confiance (fides) en Dieu, ce qui est proprement la condition pour qu’on en suive les commandements – assurance première que de suivre sa Parole on obtiendra le Salut. Lorsqu’il est demandé de ne pas avoir peur, l’impératif consiste à supprimer un affect négatif, négation d’une négation, appel à sortir de l’isolement dans lequel confine la peur. C’est pourquoi nous avons analysé la place de la peur dans l’Écriture, en la confrontant à la catastrophe climatique en cours, en montrant que celle-ci n’est pas la panique mais déjà une forme d’espérance, y compris face à l’Apocalypse (article de Jérôme Moreau 3). Mais en même temps le n’ayez pas peur semble impossible car il est contraire à la nature de la peur qu’on lui commande de disparaître, puisqu’il s’agit d’un affect et non d’une décision. « N’aie pas peur » dit en vain, parfois absurdement en criant, le parent à l’enfant qui croit qu’un loup est caché sous son lit ou qui refuse qu’on lui fasse une piqure salutaire. Pire, l’injonction à ne pas avoir peur mérite le soupçon. Ainsi de celui qui ne voulait pas reconnaître l’existence d’une épidémie, jusqu’à parfois en mourir lui-même ou encore du manipulateur qui voudrait que sa victime se laisse faire pour mieux la dominer. Un bon usage de la peur permettrait de nous libérer de la mauvaise confiance – car la confiance est aussi ce que demandent les abuseurs de toutes sortes. Dès lors, il faut sans doute dire que si le « n’ayez pas peur » qui scande l’Écriture est impossible, cela signifie que seul Dieu peut le dire. Si Dieu est lui-même l’impossible, c’est-à-dire ce qui outrepasse ce dont l’homme est capable, il est le seul à pouvoir légitimement nous rassurer. Encore faut-il dire que lorsqu’il dit « n’ayez pas peur », cela suppose précisément que l’on ait déjà peur, que l’on soit dans une situation qui précisément soit de nature à effrayer – on ne dit pas « n’ayez pas peur » au téméraire. Dieu vient rejoindre l’homme dans ses peurs et il vient l’enjoindre à ne pas s’y limiter. Le « n’ayez pas peur » n’est ainsi pas une injonction au déni des dangers mais à l’espérance, qui s’enracine à la fois dans la lucidité quant aux dangers qui nous guettent et dans la confiance dans le secours divin. L’espérance est la rencontre entre nos peurs et l’appel de Dieu, qui nous dit de partir de nos peurs, c’est-à-dire de faire un pas de plus avec Lui, du possible à l’impossible.

Notre objet n’est pas seulement la noble angoisse, que l’on distingue classiquement de la peur, par exemple Kierkegaard et Heidegger car elle serait déjà contact avec l’absolu. La peur au contraire établit une relation avec un événement qui vient nous transformer, positivement ou négativement. Elle n’est pas le resserrement sur soi donné par l’angoisse (angere veut dire serrer, resserrer), elle consiste à être frappé par quelque chose d’extérieur. Elle n’est pas non plus la crainte, qui implique déjà une forme d’hésitation. Elle est l’affect qui nous éveille à ce qui nous vient, dès le murmure du vent entendu la nuit. Tel nous semble être le sens chrétien de la peur, présent dès la peur la plus banale, la peur simple, réduite à elle-même, sans la peur de la peur, qui pousse au repli. La simple peur, qui ne tombe pas dans les extrêmes de la terreur ou de l’horreur, ouvre l’esprit à autre chose que lui-même. La peur est à la fois ce qui rend humain en nous poussant à formuler une parole sur ce qui nous vient (voir l’article de Marie Thomas sur Hans Blumenberg 4) et ce qui nous ouvre au salut (voir l’article de Paul Colrat 5), son usage chrétien a pour vocation de nous ouvrir à l’action contrairement aux mauvaises passions attisées aujourd’hui par la collapsologie (voir l’article de Foucauld Giuliani 6). Ainsi l’usage chrétien de la peur consiste à tenir ensemble l’humain fragile et le salut divin, l’affect qui nous ouvre au monde et l’engagement qui s’apprête à le transformer.


 1 Signataire du traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP) depuis le 5 mars 1970, le Vatican s’est constamment opposé à la doctrine de la dissuasion nucléaire. Voir par exemple la déclaration du Cardinal Pietro Paolin à l’Assemblée de l’ONU le 26 septembre 2019 : « Une paix durable et la sécurité internationale ne peuvent pas se fonder sur la destruction réciproquement assurée ou sur la menace d’annihilation ».

 2 Voir au contraire, SPINOZA : « Une multitude libre, en effet, est conduite par l’espérance plus que par la crainte ; une multitude subjuguée, au contraire, est conduite par la crainte plus que par l’espérance », Traité politique, V, 6. Spinoza dit ici que la crainte est le contraire de la liberté, ce qui n’en fait pas un affect très positif, mais si on lit précisément il dit que c’est d’être conduit par la crainte qui empêche la liberté. Il faut donc bien distinguer le fait d’être conduit par la crainte et le fait d’avoir été éveillé par la crainte.

 3 Voir infra, « Un chrétien peut-il vivre sans angoisse les temps que nous traversons ? L’éclairage des Écritures et de Balthasar », p. 27.

 4 Voir infra, « La peur est aussi au début  du monde » p.61

 5 Voir infra, « Une peur salutaire », p. 13.

 6 Voir infra, « Renoncer à l’apocalypse ? Catastrophisme, collapsologie et eschatologie », p. 4

 Bruno Gautier« Ne parlez pas à tort et à travers » − Le Notre Père, purification de la prière (Matthieu 6,7-8)

Jésus nous enjoint de conformer l’objet de notre prière aux demandes du Notre Père. Cet enseignement apparaît particulièrement actuel à une époque où, soucieux de notre manière de prier, nous ne le sommes pas assez du contenu de notre prière.

 

Jean-Xavier Lalo : Verbe de lumière et Verbe de vie − De Dei Verbum à Aperuit illis

L’auteur revisite la doctrine proposée par Dei Verbum et approfondie par le magistère récent concernant la sacramentalité de la Parole, l’incarnation des paroles de Dieu, ainsi que l’étude, l’utilisation et la pratique de l’Écriture sainte dans la vie de l’Église. Il montre que la croissance de l’Église par la sainteté de ses membres n’est possible que dans l’écoute de la Parole de Dieu dans l’action liturgique, la prière et la réflexion personnelle.

 

Jean-Philippe Goudot : Au nom de Dieu : comment représenter le Christ ?

Comment représenter, c’est-à-dire rendre présent le Christ ici-bas ? La représentation doit montrer ce qui ne se voit pas, sans faire écran. Il ressort de cette étude que nous ne représenterons bien le Christ qu’à condition de savoir que nous ne Le représentons jamais seuls : la représentation est ecclésiale, en ce double sens qu’elle jaillit d’une vie communautaire et qu’elle y renvoie toujours. Nous ne Le représentons jamais tout entier : il y a une part de manque dans ce que je donne à voir du Christ. La représentation ecclésiale appelle donc ses porteurs privilégiés à l’humilité, à une chasteté authentique dans leur vie relationnelle et à une conversion personnelle permanente.


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